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Parler contemporain

y a des gens qui parlent bien et d’autres qui parlent beaucoup. Ceux qui parlent mal ce sont ceux qui se taisent. Ils écoutent et ce faisant ils n’apprennent qu’à écouter encore plus. Ce sont donc toujours les mêmes qui parlent, ceux qui parlent bien et ceux qui parlent beaucoup; mais ceux qui parlent bien, parlent aussi beaucoup et ceux qui parlent beaucoup, parlent bien, parce qu’à force de parler avec ceux qui parlent bien, ils se mettent à bien parler, sinon ils finissent par se taire. C’est la règle, parce qu’il n’y a qu’un vocabulaire et il est à ceux qui s’en emparent. Ce qui fait qu’ils ne sont pas nombreux à l’intérieur d’un vocabulaire trop vaste pour eux. Ils sont donc amenés à sélectionner un certain sous-ensemble afin de ne pas répéter bêtement les mots des générations précédentes, quitte à en forger de nouveaux si nécessaires. Or c’est nécessaire. Parce qu’avec les mots anciens, qui sont en fait les mots d’un passé récent, on ne se voit offert que deux possibilités. Soit on approuve et donc on ânonne des tautologies, soit on réprouve et donc on annule, on annihile ou on détruit. Or il ne s’agit ni de continuer, ni de détruire, mais de progresser. Il faut alors pouvoir utiliser les idées ou les concepts que recouvre le vocabulaire antérieur mais sans faire l’usage des mêmes vocables, puisque sans être absolument contre il est bien évident qu’on n’est pas d’accord. Chaque époque a donc son vocabulaire qu’on apprend qu’en parlant avec ses contemporains.
Il faut d’abord repérer ses contemporains dans une foule anonyme constituée de vrais anciens, d’anciens qui s’ignorent et de contemporains. Mais aussi de faux contemporains, toute une gamme de néo-anciens voire même de jeunes qui n’arrivent pas à atteindre la contemporanéité à cause de travers divers dont le principal est de ne pas avoir assez parlé avec les vrais contemporains. Le problème est donc de repérer les contemporains à moins d’accepter de s’enliser dans le statut d’ancien ou de néo-ancien.
A quoi se reconnaît le contemporain?
Le contemporain se repère tout de suite c’est celui qui ne vous parle pas. Pourquoi perdrait-il son temps à discutailler avec des gens d’une autre époque qui de toute façon ne comprennent rien.
La meilleure attitude serait donc évidemment de s’approcher, d’écouter et de se taire si ce n’était la meilleure façon de ne jamais risquer de devenir véritablement un contemporain.
Donc c’est une formule intermédiaire qui est à conseiller. Quand on a repéré le contemporain on a du même coup acquis la capacité de discerner le sous-contemporain, ce langage lacunaire qui n’arrive pas à rassembler dans des formules concises les concepts essentiels de la contemporanéité la plus révolutionnaire et la plus subversive. C’est en se mêlant à cette frange tâtonnante mais studieuse qu’on apprendra le contemporain.
Jean-François Meyer

2 commentaires:

Unknown a dit…

Merci Jf
Je me sens moins seul
GG

schakata a dit…

d'accord!
Katha, Barjols

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